38

 

Souvorov avait l’estomac noué d’appréhension. Il avait passé presque toute la soirée dans la salle de contrôle, en compagnie des deux psychologues chargés de l’équipement de télémétrie, à bavarder et à leur préparer du café dans la cuisine. Les deux hommes n’avaient pas remarqué que ses yeux n’avaient pratiquement pas quitté la pendule digitale accrochée au mur.

Lugovoy entra dans la pièce à 23 h 20 et effectua une vérification de routine sur les écrans. A 23 h 38, il se tourna vers Souvorov :

« Vous venez prendre un verre de porto avec moi ?

— Pas ce soir, répondit l’agent du K.G.B. sur un ton de regret. J’ai une bonne indigestion. Je me contenterai d’un verre de lait un peu plus tard.

— Comme vous voudrez. Je vous verrai au petit déjeuner. »

Dix minutes après le départ de Lugovoy, Souvorov nota un léger changement sur l’un des moniteurs. C’était presque imperceptible, mais l’un des psychologues le surprit aussitôt.

« Nom de Dieu ! s’écria-t-il.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda l’autre.

— Le sénateur Larimer… Il se réveille.

— Impossible.

— Je ne vois rien, fit Souvorov en s’approchant.

— L’activité alpha de son cerveau est plus importante qu’elle ne devrait l’être dans son état de sommeil programmé.

— Celle du vice-président Margolin s’accroît aussi.

— Nous ferions mieux d’appeler le docteur… »

Souvorov ne lui laissa pas achever sa phrase. Il l’assomma d’un coup terrible sur la nuque et, presque dans le même mouvement, frappa la gorge du second psychologue du tranchant de la main, lui écrasant la pomme d’Adam.

Ses victimes s’étaient à peine effondrées que l’homme du K.G.B. se tournait vers la pendule. 23 h 49. Onze minutes avant l’heure qu’il s’était fixée pour quitter le laboratoire par l’ascenseur, Il avait plusieurs fois répété ses gestes, ne s’accordant que deux minutes de battement pour parer à l’imprévu.

Il enjamba les deux corps inanimés et se précipita dans la pièce où se trouvaient les sujets. Il débloqua l’ouverture du troisième cocon, repoussa le panneau et regarda à l’intérieur.

Le sénateur Marcus Larimer avait les yeux fixés sur lui.

« Où suis-je, balbutia-t-il. Qui êtes-vous ?

— Un ami, répondit Souvorov en le tirant du caisson pour l’installer sur une chaise.

— Qu’est-ce qui m’est arrivé ?

— Taisez-vous et faites-moi confiance, »

Le Russe sortit une seringue de sa poche et injecta un stimulant au sénateur. Puis il alla s’occuper du vice-président qui, hébété, n’offrit aucune résistance. Tous deux étaient entièrement nus et il leur jeta une couverture.

« Enveloppez-vous là-dedans », ordonna-t-il.

Alan Moran, lui, n’avait pas encore repris connaissance. L’agent du K.G.B. le souleva hors de son caisson et l’allongea par terre avant de se diriger vers le Président. Celui-ci était toujours inconscient. Le mécanisme d’ouverture de son cocon était différent des autres et Souvorov perdit de précieuses secondes à s’acharner dessus. En vain. Il prit soudain peur.

Sa montre marquait 23 h 57. Il était en retard. Ses deux minutes de marge s’étaient évaporées. Sa peur se mua en panique. Il arracha un automatique Woodsman calibre 22 d’un étui collé contre sa cuisse droite et y vissa un silencieux. Il n’était plus lui-même. Il agissait comme un robot. Il braqua son arme sur la tempe du Président à travers le panneau transparent.

Margolin, en dépit de son esprit embrumé, comprit ce que l’inconnu avait l’intention de faire. Il se leva et se précipita, chancelant, pour tenter de s’emparer du pistolet. Le Russe se contenta de l’écarter du bras, le projetant contre le mur. Le vice-président parvint par miracle à conserver l’équilibre. Sa vision était floue et il était secoué par une violente nausée. Il se jeta de nouveau en avant pour essayer de sauver la vie du Président.

Souvorov lui assena un coup de crosse sur le crâne et Margolin s’écroula au sol, un filet de sang coulant le long de sa joue. L’agent du K.G.B. demeura figé sur place. Son plan si soigneusement élaboré allait échouer. Il n’avait plus le temps.

Il avait peut-être encore une chance de s’en tirer. Abandonnant le Président, il enjamba Margolin évanoui et poussa Larimer vers la porte. Puis, chargeant Moran toujours inconscient sur ses épaules, il conduisit le sénateur en état de semi-léthargie vers le couloir. Ils tournèrent le coin au moment où les portes dissimulées de l’ascenseur s’ouvraient. Lugovoy s’apprêtait à monter.

« Restez où vous êtes, docteur ! » Le psychologue pivota et fixa la scène sans comprendre. Souvorov avait une arme à la main ; une lueur de triomphe brillait dans ses yeux.

« Espèce d’imbécile ! s’écria Lugovoy, réalisant brusquement ce qui se passait. Vous êtes fou !

— Fermez-la et reculez !

— Vous ne savez pas ce que vous faites.

— Je fais mon devoir de Russe.

— Vous allez anéantir les résultats de plusieurs années de préparatifs, répliqua Lugovoy d’un ton furieux. Le président Antonov vous fera fusiller.

— Assez de mensonges, docteur. Votre projet insensé a mis notre gouvernement en péril. C’est vous qui serez exécuté. C’est vous le traître.

— Vous vous trompez, fit le psychologue, accablé. Vous ne voyez donc pas la vérité ?

— Je vois seulement que vous travaillez pour les Coréens. Probablement les Coréens du Sud qui vous ont acheté !

— Pour l’amour de Dieu, écoutez-moi !

— Un bon communiste n’a d’autre dieu que le parti, proclama l’agent du K.G.B. en écartant Lugovoy et en faisant entrer les Américains dans la cabine. Je n’ai plus le temps de discuter. »

Lugovoy l’implora :

« Je vous en supplie, ne faites pas ça. »

Souvorov ne répondit pas. Il se contenta de lui lancer un regard méprisant tandis que les portes de l’ascenseur se refermaient.

 

Panique à la Maison-Blanche
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